Phéromones (3)

Publié le par Valentin Vernoux

 

Previously dans Phéromones : après bien des hésitations, Valentine a décidé qu'elle et notre héros iraient bel et bien à ce week-end à la campagne chez Cathy et Germaine, d'autant plus qu'Emma et Gaston ont décliné...

 


 

 

Mazette, quelle baraque... !

 

...

 

On avait quitté Paris pas trop tard le vendredi, et on s'était tapé la longue route vers la Bretagne sans trop de bouchons.

Un week-end romantique dans un château de famille, ça se mérite, et plus les kilomètres défilaient, plus je me souvenais pourquoi je ne vais jamais en Bretagne.

 

Mais il faisait plutôt beau, contrairement à la réputation régionale.

 

On ne dira pas que la conversation avec Valentine avait été très intense pendant le trajet, ce serait exagérer.

 

Bon, il fallait s'y attendre.

Vous mettez dans le même espace confiné une femme qui a décidé de venir pour qu'on ne dise pas qu'elle n'a pas voulu venir, et un homme qui vient alors que sa seule vraie raison de venir ne viendra finalement pas, mais en même temps si elle était venue il n'aurait sans doute pas pu venir, vous ajoutez que les hôtes sont un couple de lesbiennes que l'on connait à peine et avec lesquelles on partage des souvenirs plutôt embarrassants, vous précisez que le week-end va se passer dans un lieu clos avec activités communes ce qui va inévitablement réduire à néant tout espoir de se tenir à l'écart du groupe si vous craquez le premier jour, vous saupoudrez de pas mal de pression pour que ceci soit le week-end romantique miracle qui résolve tous les petits problèmes de couple accumulés récemment, et en plus tout cela est en Bretagne, dans l'ensemble vous avez assez peu de chance pour que le voyage respire l'insouciance.

 

Dans l'ensemble, si on avait parlé, il y aurait eu de bonnes chances pour que ça dégénère, et j'étais en fait plutôt d'accord pour me concentrer sur la conduite.

 

Valentine avait pris le plan, et avait menacé de faire copilote et de me donner les directions, mais bon on avait déjà assez de raisons de s'engueuler comme ça, j'avais mis le GPS, et miracle, le nom du patelin en question était dans la liste.

 

Donc, bon, on avait tenu presque cinq heures dans la voiture sans embouteillages, sans pluies diluviennes, sans se perdre et sans s'engueuler, en résumé je dirais qu'on s'en était vraiment bien sorti.

 

Ce qui nous a coupé la chique, en revanche, c'était donc l'arrivée sur le château.

 

Parce que bon, quand des connaissances vous invitent dans un château de famille, ça peut vouloir dire à peu près tout, de la grande maison de campagne ringarde au véritable château renaissance qui tombe en ruines, et selon mon expérience la plupart du temps on parle en fait d'une ferme qui se la pète.

 

Mais là, mazette.

 

Le silence s'était fait dans la voiture, à peine passé le portail et le mur d'enceinte, je crois que ni l'un ni l'autre ne nous attendions à un parc de cette taille.

On avait traversé une partie boisée d'abord, puis alors que la voiture sortait des arbres, on avait découvert encore pas mal de pelouse avant le château lui-même.

 

Et on peut vraiment parler de château.

 

Mazette, je vous disais.

 

Moi je ne savais même pas qu'il y avait des châteaux en Bretagne, je vous ai dit que je ne viens pas souvent, mais là, il n'y a pas d'autre mot, "château" conviendra très bien.

 

Il y a même une petite chapelle dans le parc, à une centaine de mètres du bâtiment principal.

C'est un peu loin de tout, il vaut mieux ne pas avoir oublié le pain, mais Dieu habite dans une cabane au fond du jardin, chacun s'organise selon ses priorités.

 

Quand au château lui-même, bon ce n'est pas Versailles, mais ça a l'air quand même très vaste, très pittoresque, il y a même une petite tour qui surplombe les toits gris, ça a de la gueule.

 

Ca doit être un enfer à chauffer, on va se cailler, mais fichtre.

 

On est sorti de la voiture, on s'est regardé, la vache, dis donc tu as vu ça, ça le fait bien, tout d'un coup on avait l'air d'accord que ça valait le déplacement.

 

Valentine avait son grand sourire de quand elle trouve que c'est romantique, je prends des notes sur ce qui est romantique à ses yeux, ça peut me resservir.

 

En même temps, on va peut-être attendre un peu, si ce truc est plein de chauves-souris et de fantômes, elle changera peut-être d'avis sur la question.

 

 

* * *

 

On en était là, à se dégourdir les jambes en béant d'admiration devant notre demeure du week-end, quand Cathy est sortie par la grande porte, toute sourire et exclamations et questions sur la qualité de notre voyage, et que je te fais des bisous sonores, et que je parle beaucoup trop fort et beaucoup trop aigu, Cathy se prend pour une châtelaine apparemment, oui c'est le risque, ça fait parfois ça aux gens qui ont des châteaux.

 

Elle semblait oublier un instant que je la connais depuis assez longtemps, et qu'elle ne m'a jamais impressionné par l'aristocratie de son comportement, mais là, bon, je me sentais indulgent, la vache quelle baraque.

 

D'autres voitures se garaient plus ou moins au même moment, on était six ou sept invités devant elle, donc la phase "viens là que je t'embrasse bruyamment et que je me la pète avec mon château" a duré un petit peu.

 

Mais tout le monde semblait impressionné et aussi surpris que nous, et chacun rivalisait de compliments sur la bâtisse.

Ca promet d'être un week-end poli et civilisé.

 

En plus les invités autour de nous sont des couples mixtes, ce n'est pas semble-t-il la ruée des lesbiennes à cuisses larges, cheveux courts, et anneaux dans le nez, qui peuplent mes cauchemars depuis quelques jours.

 

Ca s'annonce bien.

 

Allez les amis, je vous fais visiter, laissez les valises on les montera plus tard, je vous fais le tour du propriétaire, et je vous montrerai vos chambres au passage, oh je suis tellllllement contente que vous ayez tous pu venir, allez on fait le tour, et ensuite on prendra l'apéro, allez les amis !

 

Elle est à fond, Cathy.

 

On s'enquiert de où est Germaine, apparemment Germaine est encore en train de se préparer, mais ça tombe bien on attend encore du monde, elle accueillera les suivants et elle leur fera visiter, enfin bon si elle ne se perd pas dans les couloirs, elle n'a pas encore l'habitude, hi hi hi, oh qu'est-ce que je suis heureuse, allez les amis on y va.

 

Moi je dis, quand on doit être à deux pour faire visiter sa baraque, on a le droit d'appeler ça un château.


 

* * *

  

Au début de la visite, notre enthousiasme se confirme, on découvre une immense salle à manger qui se prolonge en salon avec immense cheminée allumée, je regarde Valentine et oui, apparemment, ça qualifie toujours pour "romantique".

 

Je me demande si j'ai déjà baisé dans un château.

 

J'ai plein d'images dans la tête, mais je ne crois pas que ce soit des souvenirs personnels, plutôt un abus de films porno, il y a un petit côté Marc Dorcel dans cette ambiance demeure-isolée-feu-de-cheminée-bric-à-brac-gothique...

Je vais d'ailleurs prudemment garder cette réflexion pour moi, d'après mon expérience certains proprios s'offusquent bêtement de voir comparer leur maison à un décor de film X, si si je vous jure ils le prennent mal.

 

La salle à manger fait son effet parmi les invités, on fait des ooooh et des aaaaah de rigueur, et vraiment on n'en pense pas moins, c'est beau.

 

Bon, dans les étages, ça se gâte un peu, clairement tout n'est pas totalement rénové, mais dans l'ensemble nous restons collectivement sur notre impression initiale, ça a beaucoup de charme.

 

C'est plein de couloirs et d'escaliers et de portes partout et c'est sûr on va se perdre, et par endroit ça s'effrite un peu de partout, mais bon, c'est une demeure de caractère, ça se mérite,

 

La confrontation avec la réalité a lieu quand nous découvrons notre chambre, oui elle a aussi beaucoup de charme, c'est mignon comme tout, je suis même certain qu'avec un bon photographe et sous le bon angle, on en ferait une image parfaitement romantique dans un magazine.

 

Mais en vrai...

Quand on sait qu'on va vraiment dormir là...

Les courants d'air inquiétants, la vague odeur de rance, le papier peint décollé par l'humidité, le sommier d'un autre âge, la salle de bain oh mon dieu la salle de bain pas du tout aux normes...

 

Bref, vous verriez la tête de Valentine vous comprendriez tout de suite, ce n'est plus du tout sa définition de romantique.

Je le note.

 

Cathy précise qu'on a une lampe de poche dans la chambre parce que l'électricité, vous savez, dans ces vieux châteaux...

Il y a aussi une procédure compliquée au cas où l'eau chaude n'arrive pas avant une demi-heure, c'est à base de taper sur un truc en triturant un autre truc avec le tournevis posé sur le bord de la baignoire, je n'ai pas tout suivi, j'ai vu la couleur de l'eau et l'état de la baignoire, et l'idée de me laver dans cet endroit n'était plus du tout une priorité.

 

Valentine et moi, on a échangé un regard, on a dit ce sera parfait avec un rictus qui est ce qu'on peut faire de plus souriant, j'admire son air sincère, quelle actrice...

Je suppose qu'elle pense comme moi qu'un week-end à la dure, à se protéger mutuellement des éléments, c'est bien aussi pour souder un couple.

 


 

* * *

 


 

Mais bon, c'est pas tout ça, la visite continue, le groupe se rassemble de nouveau dans le couloir, à voir la tête des autres ce n'est pas juste notre chambre, on n'entend plus trop de aaaah ni de ooooh, ça nous a un peu calmé.

 

Mais Cathy, elle, est toujours à fond.

 

Bon alors par là, c'est l'escalier pour monter dans la tour, il y a une vue magnifique sur le parc et la région, vraiment allez-y faire un tour plus tard, c'est magnifique, bon là on ne va pas y monter à huit, il n'y a pas assez de place là-haut, vous avez tout le week-end pour découvrir ça en amoureux, clin d'oeil clin d'oeil...

 

Allez on va finir par la cave, la cave est magnifique, des voutes du ngmwième siècle, superbes, et une collection de vins qui va vous plaire, messieurs, allez les enfants on y va, attention l'escalier est très étroit, faites attention à ne pas glisser, il n'y a pas beaucoup de lumière...

 

On descend en silence, tout cela a en effet l'air très dangereux, on fait poliment des oooh et des aaaah dans la cave, on tient à peine debout, c'est très humide, et moi je commence à avoir très très faim, et très envie de boire un verre.

 

Cathy pérore sur la beauté de sa cave, personne ne sait très bien combien de temps on doit rester dans ce souterrain un peu inquiétant quand même.

 

Heureusement, je suis plein de ressources, alors je demande à voix forte s'il y a des rats ou des chauves-souris, et tout d'un coup tout le monde se dirige vers l'escalier pour remonter vers la surface.

 

Bien joué Valentin.

 

La remontée s'engage dans une quasi pénombre, apparemment l'ampoule a sauté ou alors les plombs, on aurait dû prendre la lampe de poche de la chambre, même le tournevis de la salle de bain on aurait dû le prendre, on commence à flipper un peu, ça glisse et on ne voit vraiment rien, et devant ça n'avance pas.

 

Apparemment il y a un bouchon, il y a un groupe qui descend alors qu'on monte, il n'y a pas trop de place pour se croiser, surtout dans l'obscurité, on se cogne les uns sur les autres, on avance à tâtons.

 

Et tiens, à propos de tâtons, ma main a rencontré un truc mou.

 

Mon cerveau processe l'information.

Je ne suis pas au mieux de ma forme, je viens de conduire cinq heures, j'ai faim, et je n'ai pas encore bu mon gin-tonic.

Ne me pressez pas, je l'ai sur le bout de la langue, je reconnais parfaitement cette sensation.

 

Ah oui, c'est un sein de femme.

 

Aaaaah, la lumière se rallume.

 

Oui, c'est bien un sein, je suis vraiment confus chère Madame...

 

Oh ben tiens...

 

Pour une surprise...

 

"Oh... bonsoir Emma"

 

 

 

 

( à suivre )

 

 

 

Nota Bene : et pendant ce temps-là, Emma

 

 

 

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